Montée depuis Bourg Saint Maurice :
Distance : 16,3 km – Dénivelé : 988 mètres – Pente moyenne : 6,1 % - Pente maximale : 7,4 %
8,5/20
Location de vélo : Intersport à Bourg Saint Maurice
Parmi les quatre sites de la station des Arcs, j’ai choisi de m’attaquer à la montée du village Arcs 1800 qui a été le théâtre d’une arrivée du Tour en 1996. Situé sur le versant nord du massif de la Vanoise, son accès depuis Bourg Saint Maurice propose une ascension roulante et ombragée de 16 kilomètres qui présente peu d’intérêt.
Au rond-point du Mc Donald’s, la route principale qui traverse Bourg Saint Maurice (813 m) se divise en deux. J’ai laissé sur ma gauche la route des vacances qui mène au col de l’Iseran pour emprunter la D119 qui longe la zone commerciale. N’étant pas venu pour les courses du mois, j’ai traversé le torrent du Versoyen puis l’Isère à l’aide d’une route sans relief qui mène au pied de la montée.
L’ascension débute par des pourcentages agréables inférieurs au seuil de confort de 7% qui ne sera franchi qu’à deux reprises (aux 3ème et 9ème kilomètres). Dès la sortie de Bourg Saint Maurice, la route longe la rivière de l’Isère avant de dessiner une première épingle sur la gauche à 12 kilomètres du sommet. Peu après la borne indiquant « arrivée à 11 kilomètres », on repasse sous le funiculaire pour la deuxième fois en progressant sur une pente à 5%. A l’approche du hameau de la Ville (1082 m), la forêt s’éclaircie légèrement laissant apparaitre les sommets du Parc de la Vanoise.
La deuxième épingle de la montée au kilomètre 6,5 permet de rompre avec la monotonie de cette grimpette qui se poursuit sur des pourcentages toujours aussi roulants. A la suite du troisième et dernier passage sous le funiculaire au hameau de Millerette (1212 m), on atteint le village des Granges (1230 m) au kilomètre 7. Sa traversée est marquée par une série de quatre virages peu prononcés que l’on avale grâce à une pente toujours aussi accueillante (6%). La sortie de cet enchainement, à 4.5 kilomètres de l’arrivée, permet d’entrevoir les Arcs 1800 avant qu’une troisième épingle ne nous en éloigne.
La route dessine à cet endroit deux nouveaux virages à 90° qui précèdent l’entrée dans la station Arcs 1600. Un imposant rond-point offre alors la possibilité de rester sur la D119 qui mène aux Arcs 2000 ou de la quitter en optant pour une seconde voie qui mène aux Arcs 1800. Il convient alors de négocier avec soin la quatrième et dernière épingle de l’ascension.
La route reprend son aspect désespérément rectiligne en s’éloignant des Arcs 1600 pour offrir un final de 2 kilomètres aux pourcentages décroissants (7% sur l’avant dernier puis 3% sur le dernier kilomètre) qui débute aux parkings de la station.
Si vous n’êtes que de passage dans la région, je vous conseille de ne pas vous entamer physiquement sur cette montée sans intérêt mais de privilégier le petit St Bernard et surtout l’Iseran qui reste sans égal. L’ascension des Arcs propose tout ce que je déteste : une route très fréquentée, linéaire, monotone, sans pourcentages ni jolis points de vue. C’est l’anti Luz Ardien. L’arrivée au Charvet dévoile une perspective sur la vallée de la Tarentaise et offre alors un petit lot de consolation.
La chute du roi Miguel (6 juillet 1996)
La septième étape du Tour 96 entre Chambéry et les Arcs reste l’une des étapes les plus spectaculaires de l’histoire de la grande boucle. Dès le départ, l’inquiétude se lit sur le regard des coureurs. La haute montagne les attend et le mauvais temps qui accompagne les coureurs depuis Hertogenbosch toujours présent.
« Jalabert à la dérive dans la Madeleine »
Dans le premier col du jour, la Madeleine, un groupe de 31 coureurs se forme. Richard Virenque passe en tête devant les deux premiers de l’édition précédente Miguel Indurain et Alex Zulle. Derrière, on recence déjà les coureurs en difficulté. Le maillot jaune Stéphane Heulot est distancé et Laurent Jalabert à la dérive. Le numéro 1 mondial se révèle incapable de suivre les favoris du Tour et franchit le sommet avec 4’35 de retard.
Dans la descente de la Madeleine, les conditions climatiques s’aggravent. Malgré la pluie et le froid, Bjarne Riis tente de s’échapper. Tony Rominger qui sort d’un Dauphiné très abouti chute sans conséquences au moment où Udo Boltz part seul dans la vallée.
Au pied de la deuxième difficulté du jour, Laurent Dufaux démarre à son tour et oblige les Banesto à mener la charge. Richard Virenque tente également de tromper la vigilance des équipiers d’Indurain mais est pris en chasse par Luc Leblanc et Fernando Escartin qui refusent de collaborer. Le deuxième fait marquant de l’étape après la déroute Jalabert dans la Madeleine est l’agonie du maillot jaune dans le Cormet de Roselend. Stéphane Heulot qui souffre du genou pose pied à terre à deux reprises avant de renoncer en pleurs. Au sommet de ce bijou du massif du Beaufortin, Virenque marque à nouveau de précieux points en passant en tête devant Bjarne Riis. Il est alors maillot à pois virtuel.
« Chute de Bruyneel »
La descente du Cormet de Roselend en direction de Bourg st Maurice marque le début d’une séquence qui rentrera dans l’histoire du Tour. Cité comme l’un des principaux opposants à Miguel Indurain au départ du Tour, Alex Zulle tombe à deux reprises dans le ravin. Mais l’accident le plus spectaculaire capté en direct par Patrick Chêne et Bernard Thévenet implique un autre coureur du groupe des favoris. « Chute, chute, chute à droite de la route-un coureur est tombé dans le ravin-la moto ne l’a pas vu ». La réponse de Jean René Godard présent sur la moto numéro 1 « c’est Johan Bruyneel, il est sain et sauf » résonne encore plus de 20 ans après le tout droit du belge.
La grande explication entre le reste des favoris se déroule dans la montée finale vers les Arcs que les coureurs du Tour empruntent pour la première fois. Luc Leblanc choisit ce terrain pour attaquer à 6 kilomètres de l’arrivée et revient sur Udo Boltz qui paye ses efforts du début d’étape. L’image du leader de la Polti volant vers l’arrivée sera éclipsée par l’image de la décennie nous montrant le quintuple tenant du titre en difficulté. Si l’image du renversement de l’empereur Merckx par le jeune Thévenet a échappé aux caméras de télévision en 1975 (cf Pra Loup), celle montrant la chute du roi Miguel ne sera pas oubliée par les équipes de France Télévisions.
Patrick Chêne : on m’annonce que Miguel Indurain serait en difficulté-de l’hélicoptère, on ne voit plus Miguel, il serait en difficulté dans le groupe, ce serait le couronnement de cette journée
Miguel Indurain est là au centre de l’écran-il est lâché dans le groupe, c’est inouï ce qui est en train de se passer, Indurain comme on ne l’a jamais vu dans le Tour de France, Indurain est lâché ! C’est une étape inouïe à laquelle nous assistons.
Mais d’urgence, une moto pour voir ce qu’il se passe dans le groupe où visiblement Indurain était en difficulté. On cherche avec l’hélicoptère, on ne voit pas Miguel Indurain ! C’est la première fois depuis 6 ans que Miguel Indurain est en telle difficulté. Voilà l’image, voilà l’image !
Jean René Godart : « j’ai déclenché mon chronomètre Patrick »
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Patrick Chêne : Regardez, il appelle sa voiture, une fringale peut être
Bernard Thévenet : Peut-être, on se souvient qu’il y a 4 ans en montant Sestrières, il avait connu le même désagrément à proximité de l’arrivée. Il avait été victime d’une hypoglycémie. Il semble vivre la même chose, c’est quand même bizarre qu’il ne se soit pas débarrassé des manchettes et de l’imper qui semblent l’encombrer.
Patrick Chêne : il appelle sa voiture, il a un problème, il ne peut plus. Il est complètement planté, accroché à la route. C’est inouï !
Jean René Godart : Jose Miguel Echavarri, que se passe-t-il pour Miguel ? Déshyyyyydration Patrick !!!! Déshydratation
Une vue d’hélicoptère immortalise l’image du leader de la Banesto connaissant sa première défaillance sur le Tour de France. Alors que sa récente victoire sur le Dauphiné devant Rominger et Virenque en juin annonçait un sixième sacre le mois suivant, on assiste sur la montée des Arcs à la chute du roi Miguel. Collé à la chaussée, le quintuple tenant du titre est à la dérive. Les observateurs évoqueront par la suite un pic de forme survenu trop tôt au moment du Dauphiné, une préparation pour la saison 1996 édulcorée, une arrivée précoce de la haute montagne pour ce diesel (après 7 jours de course seulement) et une « fonte des graisses » rendue impossible par la météo exécrable de la première semaine.
« L’étape pour Luc Leblanc »
Au même moment, Luc Leblanc dépose Laurent Dufaux et lève les bras sur la ligne. L’étape est rentrée dans la légende en raison des défaillances des principaux outsiders comme Jalabert ou Zulle, des chutes spectaculaires et de l’effondrement inattendu du quintuple vainqueur du Tour. Pourtant, personne n’a profité de cette première arrivée au sommet pour assommer le Tour. On retrouve en effet dix coureurs groupés en moins d’une minute au classement général. Miguel Indurain termine l’étape 16ème à 4’19 du coureur français et récoltera 20’’ de pénalité pour ravitaillement interdit dans le dernier kilomètre. Evgueny Berzin endosse le premier maillot jaune de sa carrière. L’espagnol ne parviendra pas à renverser la vapeur (cf Val d’Isère, cf col de Montgenèvre, cf col du Soulor) et terminera le Tour 1996 avec classe et élégance à la 11ème place. Miguel Indurain participera en septembre à contre cœur au Tour d’Espagne qui fait souvent office de consolante pour les battus de juillet mais abandonnera aux Lacs de Covadonga.
Miguel Indurain reste le plus grand coureur espagnol et le premier cycliste à avoir remporté cinq Tours de France consécutifs. Pourtant, le leader de la Banesto ne marquera pas l’histoire comme Merckx ou Hinault. En annonçant sa retraite début 1997 au lendemain du jour de l’an malgré un pont d’or de l’équipe ONCE, le grand Miguel quitte le monde du vélo en catimini. Nonobstant cinq Tours victorieux, personne ne pleure le départ du Roi Miguel qui n’a jamais déclenché ni passion ni enthousiasme en dépit d’un immense palmarès et d’une cote de sympathie élevée auprès de ses pairs.
« Indurain n’est pas humain »
Celui qui a attendu patiemment dans l’ombre de Pedro Delgado sans rien réclamer alors que son niveau lui permettait de jouer la victoire finale face à Greg Lemond et Claudio Chiappucci en 1990 remporte l’étape de Luz Ardiden sans lever une seule fois ses fesses de la selle.
A partir de l’année suivante, celui qu’on surnommera « l’extraterrestre » écrasera la concurrence lors des longs contre la montre et contrôlera les grimpeurs en montagne. Bien que l’on lui reproche son manque de panache (l’espagnol n’a jamais remporté une étape en ligne sur le Tour de France lors de sa période de domination), Miguel Indurain réussit l’exploit de réaliser deux années de suite le doublé Giro/Tour en 92 et 93. Gianni Bugno déclarera dès 1992 « que dans le Tour, nous sommes 180 humains et un extraterrestre ». Ce constat sera partagé par d’autres coureurs, Indurain n’est pas humain. Premier coureur à maigrir de façon importante pour passer les cols à la fin des années 80 (l’espagnol pèse malgré tout 80 kgs pour 1m88), le navarrais suscite la controverse pour les watts développés en montagne (plus de 500 selon certaines méthodes de calcul) et ses collaborations avec certains médecins à la réputation sulfureuse (Dr Conconi et Dr Padilla). Contrôlé positif en 1994 au Salbutamol puis gracié par l’UCI, l’espagnol quitte le peloton au moment où la réglementation en matière de lutte anti-dopage devient plus sévère et les contrôles plus efficaces. Miguel Indurain sera un jeune retraité lors du triste Tour 1998 au cours duquel tous ses anciens rivaux ont été à postériori contrôlés positifs à l’EPO en 2013 dans l’écume de l’Affaire Festina. Contrairement à Merckx, Amstrong ou à Froome qui ont également écrasé le Tour plusieurs étés de suite, Indurain n’a jamais suscité d’hostilité de la part du grand public et de ses adversaires. Il est vrai que ses nombreuses offrandes en montagne (Chiappucci, Leblanc, Rominger, Bugno), sa gentillesse, son humilité et surtout son absence d’arrogance lui ont permis de vivre un quinquennat apaisé.
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