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Col de Joux Plane

  • Altitude : 1700 mètres
  • Département : Haute Savoie (74)
  • Région : Auvergne Rhône Alpes
  • Catégorie : HC

Montée depuis Samoëns :

Distance : 11,6 km – Dénivelé : 989 mètres – Pente moyenne : 8,5 % - Pente maximale : 13,5 %

  • Longueur : 3/5
  • Paysage : 5/5
  • Difficulté : 4/5
  • Trafic : 4/5

16/20

Location de vélo : J’aime Sport à Samoëns

Le col de Joux Plane qui culmine à 1700 m est un col de Haute Savoie qui permet de relier Samoëns (703 m) au sud à Morzine (960 m) au Nord. Souvent placé en fin de Tour de France, il a été franchi à onze reprises depuis 1978 mais n’a jamais offert d’arrivée au sommet. L’ascension qui débute par un virage en épingle à cheveux sur la gauche dans le centre-ville de Samoëns (703 m) fait suite à la longue route de Taninges (D907) qui assure la jonction entre le col de la Ramaz et le col de Joux Plane.

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Photo de Christian Martelet

Dès le premier kilomètre, la pente très irrégulière tout au long de l’ascension, affiche 10% avant de s’adoucir nettement (4.5%) au passage de la combe aux Fées (982 m) au kilomètre 3. La pente augmente à nouveau brutalement lors du passage de la barre des 1000 mètres avant de diminuer pendant quelques hectomètres à l’approche du carrefour de Mévoutier (1122 m) au kilomètre 5. Cette première partie que l’on peut qualifier de résidentielle en raison du grand nombre d’habitations est magnifique. On enchaine les lacets serrés sur une route étroite au milieu des chalets de montagne tous aussi soignés et entretenus les uns que les autres.

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Copyright Christian Martelet

La deuxième partie de l’ascension dessine une route de plus en plus verticale et étroite. Cette partie qui pourrait être dénommée agricole a vu les fermes et les animaux remplacer les chalets fleuris. Suite à un virage prononcé sur la gauche au 6ème kilomètre, le maximum de pente est atteint dans la combe Emeru (1200 m). Il s’agit d’un véritable mur (13.5%) d’une longueur d’au moins 250 m qui oblige à avoir de petits braquets et de passer tout à gauche.

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Copyright Christian Martelet

Une troisième partie qui pourrait être baptisée forestière débute après la combe Emeru. Elle comprend toujours des virages serrés sur un revêtement parfait au milieu d’une épaisse forêt de sapins. A 2 kilomètres du sommet, la route devient plus rectiligne sans que le pourcentage moyen ne descende sous les 9%. Elle finit par s’éclaircir au passage des 1500 mètres d’altitude laissant apparaitre un somptueux panorama sur un joli lac (1691 m), le Mont Blanc (4810 m) et les pointes de Chamossière (1887 m).

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Copyright Christian Martelet

Ce col « très pyrénéen » est l’un des plus beaux des Alpes et est peu fréquenté. L’importance des pourcentages (pourcentage moyen autour de 8.5%), l’irrégularité de la pente et la chaleur en cette fin d’après-midi (30° à Samoëns) m’ont permis de comprendre pourquoi Lance Amstrong y avait connu son unique défaillance lors de sa période de domination sur le Tour de France.

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Le numéro de Marco Pantani (21 juillet 1997)

Au cours du Tour 1997, Marco Pantani réalise deux très grands numéros à l’Alpe D’huez où il réalise « le doublé » avant de récidiver dans Joux Plane deux jours plus tard. Le 21 juillet 1997 dans l’étape Courchevel - Morzine, Laurent Jalabert qui a perdu le Tour depuis la première étape pyrénéenne passe à l’attaque dans le col de la Forclaz qu’il franchit en tête tout comme celui de la Croix de Fry. Malgré ce baroud d’honneur de 73 kilomètres, le mazamétain est rattrapé par le peloton maillot jaune avant le sommet du col de la Colombière que Virenque passe en tête. Le groupe maillot jaune mené par les Telekom arrive donc groupé au pied de Joux Plane.

jouxplane Tour de France 1

Dans ce col hors catégorie, Pantani qui revient d’une saison blanche en raison d’une double fracture tibia péroné après avoir été renversé par un chauffard en Italie place une attaque foudroyante dans la combe Emeru et distance irrémédiablement un maigre peloton de onze coureurs toujours emmené par les Telekom d’Ulrich. Le maillot jaune fait rouler Bjarne Riis pour tenter d’opérer la jonction avec l’italien qui creuse pourtant rapidement l’écart.

Virenque tente alors de sortir à son tour du groupe des favoris, seul l’allemand parvient à le suivre. Riis et Escartin ne peuvent répondre au varois. Au sommet, l’avance de Pantani est de 55’’ sur le duo composé du maillot à pois et du maillot jaune qui ne se quittent plus depuis l’incursion en principauté d’Andorre. A l’arrivée à Morzine au terme d’une grande prise de risque dans la descente, l’italien devance le duo d’inséparables de 1’17 grâce à ce coup de force dans Joux Plane. Il s'assure d'une nouvelle troisième place sur le podium à Paris après celle de 1994.

Toujours placée en fin de Tour, cette terrible ascension verra en 2000 la revanche de Virenque sur Ulrich et Pantani. Cette édition propose à nouveau une étape entre Courchevel et Morzine. L’italien qui a attaqué dès le col des Saisies qu’il franchit en tête avant d’avaler le col des Aravis et de la Colombière s’écroulera dans Joux Plane. Richard Virenque réussit l’exploit de lâcher à la pédale Lance Amstrong puis Jan Ulrich dans Joux Plane avant de gagner à Morzine trois ans après sa dernière victoire à Courchevel.

« L’apogée de 1998 »

Marco Pantani connait l’apogée de sa carrière en 1998 en devenant le 7ème et dernier coureur à réaliser le doublé Tour d’Italie - Tour de France devenu aujourd’hui impossible (le grand Alberto Contador s’y est cassé les dents, le cyborg Chris Froome également). L’année suivante, alors que la victoire au Giro lui est promise, celui que la Gazetta surnomme l’Aigle Rose est mis hors course à deux jours de l’arrivée suite à un taux d’hématocrite contrôlé à 52%. S’arrête à Madonna di Campiglio, la vie sportive de Pantani… Pantani clame son innocence et reçoit le soutien des tifosi et de ses pairs. Paolo Salvodelli refuse d’endosser le maillot rose. En mars 2016, le témoignage d’anciens gros bonnets de la mafia révèlera que la Camorra aurait commandé ce contrôle positif et que Pantani aurait été dopé à son insu. L’objectif était de toucher le jackpot dans des paris clandestins en pariant sur la défaite de l’idole.

Cet évènement brisera le Pirate et constituera le point de départ d’un long déclin malgré sa victoire au Ventoux après 262 jours d’inactivité. Blessé par les propos d’Amstrong au sommet du Mont Chauve, l’italien se met en tête de terrasser l’américain en lançant une opération de grande envergure le lendemain de sa victoire à Courchevel. Adepte des attaques tranchantes et décisives dans la dernière difficulté (Alpe d’Huez à deux reprises, Joux Plane, Plateau de Beille, Ventoux, Courchevel) * le pirate se lance ce 18 juillet 2000 dans une opération suicide contre nature en attaquant dans la première difficulté du jour le col des Saisies. L’italien s’effondre dans Joux Plane, sombre dans les profondeurs du classement général avant d’abandonner le Tour le lendemain dans l’anonymat. Il ne reviendra jamais sur la grande boucle.

« La chute de Pantani »

En 2001, une vaste opération de police menée au cours du Giro permet de saisir des seringues et des flacons d’insuline appartenant au Pirate qui sera exclu du Tour d’Italie et suspendu 6 mois. Marco Pantani qui tente de se relancer, propose à un autre banni du cyclisme, Richard Virenque avec lequel il entretient pourtant des relations compliquées de s’associer au sein d’une nouvelle équipe. Mais le varois qui purge lui aussi une suspension pour dopage préfère la compagnie d’un ancien adversaire dont le nom n’est pas associé « aux affaires » avec lequel il a pourtant également entretenu des relations tendues dans les années 90 Laurent Jalabert. Le varois décline la proposition du petit éléphant et préfère s’entrainer en Suisse avec le Panda qu’il apprend à apprécier.

L’italien qui ne cesse de reporter son retour est traqué par les juges qui entendent montrer sa culpabilité en matière de dopage puis livré aux chiens (et pas uniquement son honneur). Paralysé par ses phobies, envahi par la dépression, rongé par l’alcool et la cocaïne, l’italien se réfugie dans les boites de nuit et quitte le monde des vivants. Il se prend pour Sang Bleu (mais un sang à 52% de taux d’hématocrite) de Gomorra, se bagarre lors de ses sorties nocturnes, dégrade du matériel public et devient une proie facile pour le milieu. Pantani perd sa liberté et détruit son immense talent.

2003 marque enfin le retour de Pantani à la compétition. Suite à un Giro sans éclat, l’italien est écarté du Tour du centenaire par son équipe. C’est l’ultime blessure au moment où ses anciens adversaires brillent tour à tour sur la grande boucle (victoire d’étape pour Richard Virenque à Morzine, maillot jaune sur les pentes de l’Alpe d’Huez, meilleur grimpeur du Tour ; résurrection de Jan Ulrich qui humilie Amstrong sur le contre la montre de Cap Découverte avant de le faire vaciller sur les pentes d’Ax 3 Domaines puis du Tourmalet; renaissance du phœnix Amstrong lors de sa victoire à Luz Ardiden, 5ème Tour victorieux)

Cette lente et inexorable descente aux enfers se conclue tragiquement le 14 février 2004 dans une minable chambre d’hôtel de la Résidence les Roses à Rimini. Abandonné par le monde du vélo, consommant 5 à 10 grammes de cocaïne par jour, victime de sa dépression et de sa paranoïa, l’italien est retrouvé inanimé dans une chambre d’hôtel détruite, blessé au visage. L’enquête conclura dans un premier temps à une overdose de cocaïne.

« La thèse de l’homicide »

Un temps réouverte, l’enquête sur la mort de Pantani sera refermée le 28 septembre 2017. La conclusion fera état d’un décès lié à l’association d’une forte dose de cocaïne et d’antidépresseurs. Cette enquête bâclée et orientée a dans l’intervalle donné lieu aux théories les plus folles notamment l’ingestion forcée de cocaïne par la mafia dans le but de suicider Pantani. La présence de coups et de griffures au visage viendra appuyer cette thèse. Cette théorie de l’homicide forcé qui ne peut en aucun cas être étayée sur le plan médical (il est impossible de faire ingérer per os 50 grammes de cocaïne sans en retrouver ailleurs que dans le sang, absence de traces de vomissements) sera relayée et alimentera tous les fantasmes. De plus la présence de griffures au visage peut s’apparenter à une forme d’automutilation que l’on retrouve fréquemment chez les patients dépendants à la cocaïne, consommateurs quotidiens de 5 grammes de cocaïne, en pleine décompensation psychotique cocaïnique.

*Pantani avait attaqué de loin dans l’étape de Cuzet Neige en 1994 et des 2 Alpes en 1998

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