Montée depuis Sainte Marie de Campan
Distance : 12,9 km – Dénivelé : 639 mètres – Pente moyenne : 5 % Pente maximale : 9 %
14/20
Location de vélo : Pyrénées Vélo Evolution à Bagnères de Bigorre
Le col d’Aspin a matérialisé ma rencontre avec les Pyrénées. Cette ascension depuis Sainte Marie Campan (847 m) a validé l’image que je me faisais de cette grande chaine montagneuse : de jolies routes sinueuses au milieu de paysages verdoyants, sauvages et apaisants.
Le versant ouest de ce col m’apparaissait sur le papier comme une entrée en matière facile avant le terrible enchaînement Tourmalet/Luz Ardiden. Cette intuition s’est révélée juste jusqu’au kilomètre 6, lieu de la bifurcation avec la route menant au lac Payolle (1080 m). Les premiers kilomètres très roulants au milieu des petites maisons fleuries aux toitures ardoisées et des exploitations agricoles sont très agréables et constituent un bel échauffement.
A partir du croisement avec la D113 qui mène à la Hourquette d’Ancizan, l’impression de facilité disparait car la pente s’envole brusquement à 9%. Ce changement brutal de pourcentage fait mal aux jambes et le plus difficile est à venir. La suite est une merveille entre l’épingle de la carrière de l’Espiadet (1096 m) et le sommet du col. La route dessine un enchainement de cinq lacets au milieu d’une forêt de sapins qui laisse passer les rayons du soleil. Cette seconde partie est bien plus difficile en raison de la déclivité et de la forte chaleur malgré l’horaire matinal de l’ascension. Cette sensation de rudesse est atténuée par le silence et la quiétude qui règnent dans cet endroit. J’ai pu tout au long de ce tronçon admirer les collines vallonnées aux nombreuses nuances de vert tout en humant l’odeur des pins baignant dans le soleil.
L’arrivée au sommet qui fait suite à un dernier kilomètre rectiligne à 7% expose une magnifique perspective sur le Parc National des Pyrénées. Vous quittez l’épaisse forêt pour déboucher dans une zone préservée sans aucune construction au milieu des animaux et des prairies. Le sommet de l'Aspin offre un panorama somptueux sur les sapinières de Payolle, le Pic du Midi de Bigorre (2877 m) et la vallée du Louron.
Le col d’Aspin est l’un des plus beaux cols que j’ai grimpé. Ce versant depuis Sainte Marie Campan propose un profil moins agressif que celui au départ d’Arreau mais demeure moins célèbre car moins emprunté par le Tour. Il est cependant bien plus difficile qu’il n’y parait surtout dans sa seconde partie.
Ricardo Ricco : La piqure du cobra (13 juillet 2008)
Le Tour 2008 qui s’élance de Brest apparait très ouvert sans véritable favori bien que les noms de Cadel Evans et d’Alejandro Valverde reviennent le plus souvent. Le tenant du titre Alberto Contador est absent, son équipe Astana n’ayant pas été invitée suite à l’affaire Vinokourov l’année précédente et Lance Amstrong n’est pas encore sorti de sa retraite sportive. Cette édition voit débuter trois futurs vainqueurs de la grande boucle Andy Schleck, Christopher Froome et Vincenzo Nibali.
La première étape pyrénéenne longue de 224 kilomètres, qui s’élance de Toulouse offre un profil relativement plat jusqu’au col des Arès avant l’enchainement Peyresourde/Aspin. La grande bagarre est attendue le lendemain dans l’étape reine qui proposera le Tourmalet et une arrivée au sommet à Hautacam. Dès le 22ème kilomètre un trio composé de Sebastian Lang, Aliaksandr Kuschynski et Nicolas Jalabert s’échappe et passe dans cet ordre le col de Peyresourde.
A 5 kilomètres du sommet du col d’Aspin, Ricardo Ricco anime enfin l’étape en démarrant dans un style « pantanesque ». Le cobra a piqué ses adversaires, l’attaque est fulgurante et le groupe de cinq coureurs présents aux avants postes voit passer la fusée Ricco comme le hurle Thierry Adam à l’antenne. Les favoris s’observent et personne ne réagit, l’arrivée est encore à plus de 30 kilomètres et aucun leader ne peut répondre à une telle offensive. A cet instant Ricco possède 2’40 de retard sur Sebastian Lang sur lequel il va rapidement fondre.
« Ricco franchit l’Aspin en tête »
Au sommet de l’Aspin qu’il franchit en tête, l’italien possède 1’15 d’avance sur les favoris et gardera cet avantage à Bagnères de Bigorre. Sur la ligne, le cobra précède de 1’04 le Russe Vladimir Efimkin, parti en contre-attaque dans le final et de 1’17 le groupe des favoris réglé par le Français Cyril Dessel.
Ricco gagne une nouvelle fois après Super Besse dans le Massif Central et apparait comme l’attaquant d’exception de cette édition 2008. Ses performances lors du dernier Giro (2ème place derrière Contador, deux victoires d’étape, maillot de meilleur jeune) et ses prouesses en montagne sur ce début de Tour attestent de sa grande forme. Il remonte ainsi de la 27ème à la 21ème place du classement général et se replace à 2’35 du maillot jaune Kim Kirschen qui est apparu en difficulté dans cette première étape pyrénéenne.
Ses prestations sur ce Tour auquel il ne devait pas participer après sa seconde place au Giro vont aiguiser son appétit. Sur les redoutables pentes d’Hautacam, Ricco joue la course d’équipe en favorisant le doublé de ses équipiers Piepoli et Cobo puis endosse le maillot à pois. Sur la ligne, Ricco allume à tout va en affirmant que ses adversaires ne savent pas faire du vélo et qu’il possède un Coppi dans chaque jambe. Avant chaque attaque, le petit italien a pris la mauvaise habitude de se porter à la hauteur de ses concurrents pour les toiser du regard avant de démarrer. Ricco commence à irriter le peloton et le regard posé sur son équipe la Saunier Duval (entreprise spécialisée dans la fabrication de chaudières, ça ne s’invente pas) devient suspicieux. Mais les médias italiens qui cherchent un héritier à Pantani sont conquis et la machine médiatique s’emballe devant tant de succès mais surtout tant d’excès et de provocations.
« Ricco quitte le Tour »
Quelques jours après la traversé des Pyrénées, Ricco est exclu du Tour de France pour un contrôle positif à l’EPO Cera. Ricco voulait être Pantani en montagne, il le sera également dans sa chute. Son Tour de France s’arrête donc le 17 juillet suite à l’annonce de ce contrôle positif réalisé lors du contre la montre de Cholet. Ricco est suspendu deux ans et condamné à une peine de prison avec sursis. L’italien fait néanmoins son retour à la compétition en 2010 et gagne aussitôt le difficile Tour d’Autriche au sein de la controversée équipe italienne Ceramica Flaminia. Tout prêt de signer chez Quick Step au sein de laquelle Patrick Lefévère est toujours prêt à donner une seconde chance*, l’italien atterrit finalement chez Vacansoleil et le duel avec Contador fait déjà office de bande annonce du Tour 2011.
Mais en février 2011 au retour de l’entrainement, le coureur est hospitalisé en urgence pour choc septique. Ricco avoue à ses médecins s’être transfusé son propre sang qu’il gardait depuis 25 jours dans son réfrigérateur. Le secret médical qui ne protège pas les patients en Italie dans ce cadre très précis contribue à judiciariser puis à médiatiser cette nouvelle affaire Ricco. Cet amateurisme très éloigné du dopage d’état soviétique ou du dopage organisé et médicalisé au sein de l’US Postal illustre la solitude de Ricco et une forme d’abandon de l’entourage face à ses démons. C’est le début de la descente aux enfers…
Ricardo Ricco est suspendu 12 ans, sa femme le quitte, il sombre dans la dépression et passe ses journées seul dans une chambre d’hôtel à penser au suicide. Pour ne rien arranger, c’est la curée et les loups sont lâchés. Robbie McEwen le traite de paquet de merde et Cancellera auquel on en a envie de rappeler l’épisode du Tour des Flandres le qualifie de honte du cyclisme. Une fois les micros ouverts, Marc Madiot prend les passionnés de vélo à témoin de sa propre psychanalyse en parlant une nouvelle fois de ses obsessions en l’occurrence le dopage quand ce n’est pas Lance Amstrong. Un seul coureur lui tend la main. Le grand Mario Cipollini lui écrit une lettre pour l’encourager à penser à son fils et l’implorer de s’éloigner définitivement du monde cycliste.
Bien que banni du monde du vélo, Ricco se met en tête de battre le record des grandes ascensions du Tour du France et s’entraine seul. En Aout 2014, il monte le Ventoux en 58’17’’ et s’approche du record personnel de Pantani réalisé sur le Tour 1994 et de celui d’Amstrong réalisé lors du contre ma montre du Dauphine 2004**. Il tente à nouveau d’occuper l’espace médiatique en lançant un défi sur les pentes du géant du Provence à l’autre grand talent de cette génération du cyclisme italien et récent lauréat du Tour de France Vincenzo Nibali. Mais le requin ignorera le cobra.
« La nouvelle Affaire Ricco »
Ricco sombre à nouveau après avoir chuté lourdement sur les pentes du Mont Ventoux puis est arrêté à Livourne muni d’une importante quantité d’EPO et de testostérone. L’italien est soupçonné d’être impliqué dans un trafic de produits dopants. Cette « affaire de Modène » qui secoue le cyclisme amateur pourrait l’envoyer en prison. Le monde médiatique s’empare à nouveau du sujet Ricco auquel on accole le qualificatif de délinquant quand le terme de malade parait plus adapté. Cette manière excessive de rouler et de monter les cols bien que privé de compétition et la grande place occupée par les produits psychotropes attestent d’un problème qui relève plus de la médecine que de la justice.
Occultant un court instant la question du dopage, il aurait été très intéressant de voir la façon dont la Sky aurait géré les attaques incessantes de Ricco dans les étapes de montagne. Wiggins qui ne supportait pas d’être bousculé par ses adversaires aurait-il gagné si facilement le Tour 2012 ?
Riccardo Ricco a tenté une nouvelle fois de faire parler de lui fin 2017 en annonçant un retour à la compétition en 2023 l’année de ses 40 ans tout en évoquant son nouveau métier de vendeur de crèmes glacées sur les plages de Tenerife.
*Patrick Lefevère fait signer Richard Virenque après sa suspension dans le cadre de l’affaire Festina en 2001
**Iban Mayo détient le record de la montée avec 55’51, temps réalisé lors du contre la montre du Dauphiné 2004
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