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La Plagne

  • Altitude : 1970 mètres
  • Département : Savoie (73)
  • Région : Auvergne Rhône Alpes
  • Catégorie : HC

Montée depuis Aime :

Distance : 19,5 km – Dénivelé : 1439 mètres – Pente moyenne : 7,5 % - Pente maximale : 13 %

  • Longueur : 4/5
  • Paysage : 1,5/5
  • Difficulté : 4,5/5
  • Trafic : 2/5

12/20

Location de vélo : Bike Surgery à Aime

Quand on évoque une ascension alpestre comprenant 21 virages en épingles à cheveux menant à une station de sports d’hiver, on pense immédiatement à l’Alpe d’Huez. Il existe pourtant une montée similaire en Tarentaise qui présente également la particularité d’être référencée en Hors Catégorie quand la majorité d’entre elles le sont en 1ère. Mais la ressemblance s’arrête la tant cette montée est plus longue, difficile et anonyme. La Plagne a été le théâtre de quatre arrivées en altitude : 1984, 1987 (victoires de Laurent Fignon), 1995 (victoire d’Alex Zulle) et 2002 (victoire de Mickael Boogerd). Ce chiffre famélique explique que la numérotation des virages ne soit pas associée à de grands coureurs comme à l’Alpe d’Huez (32 arrivées d’étape entre 1952 et 2022).

Au pied d’Aime (661 m), la montée propose un effort de 20 kilomètres à 7.5% de moyenne et un dénivelé approchant les 1500 mètres. Ces chiffres permettent de situer la difficulté de cette ascension au niveau de cols prestigieux comme la Madeleine ou le Glandon.

Le premier kilomètre qui mène à Mâcot la Plagne (770 m) affiche un pourcentage de 7%. A aucun moment de la grimpée, la déclivité ne redescendra sous ce seuil de confort. Vous traversez sans effort Mâcot, puis obliquez sur la droite en empruntant la route de la Plagne (D221). La montée impose d’emblée sa pente. Se dresse face à vous un obstacle coriace. Vous vous heurtez à une série de douze virages nerveux dont le profil se relève à 8,5%. Soufflez et choisissez les petits braquets. Une position en danseuse permet de soulager les muscles.

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Au décours de la traversée du hameau du Prarion (1340 m) au kilomètre 9, la route redevient plus linéaire puis dessine deux larges épingles au kilomètre 12. Ces lacets s’élèvent en épousant le lit de la rivière de l’Arc. Le passage devant le Chalet de la Roche annonce une légère pause des pourcentages. Deux nouveaux virages vous conduisent à Plangagnant (1600 m). Après avoir passé ce lieu-dit, la pente s’établit à 8 %.

Comme une récompense avant l’heure, le défi du jour dévoile sa curiosité : l’imposante piste de bobsleigh des Jeux Olympiques d’Alberville (1650 m). La pente a délaissé son immuable 8% pour s’envoler peu avant le site olympique l’on franchit au kilomètre 13. C’est à cet endroit que se situe la rampe la plus douloureuse de la montée (13%).

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En quittant la Roche d’en Haut (1700m), la route oblique brutalement vers l’est. Après avoir enroulé l’épingle de l’Altisurface de la Plagne, vous longez le front de neige en direction de la Plagne 1800. La route grimpe entre les télésièges tandis qu’apparaissant les premières habitations.

La traversée de la Plagne 1800 au kilomètre 15 permet d’aborder le dernier quart de la montée. On débouche sur le plateau de la station (kilomètre 17,5) qui propose enfin un relâchement de pente à 4.5% pendant 600 m. Cette pause se poursuit jusqu’au dernier kilomètre dans un décor bétonné. L’ultime borne qui marque le passage symbolique des 2000 mètres dessine à nouveau une pente douloureuse (9,5%).

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Au final, cette ascension aux forts pourcentages peut être considérée comme la plus difficile des montées en stations des Alpes du Nord. Cette escalade exigeante mais régulière présente les inconvénients habituels des accès aux stations de sports d’hiver alpestres : forte circulation automobile, absence de points de vue, paysages sans intérêt et odeurs de gaz d’échappement : le tout pour découvrir une station digne de l’œuvre de Paul CHEMETOV.

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Laurent Fignon renoue avec la victoire sur le Tour (22 juillet 1987)

Cette 21ème étape du Tour 1987 fait route vers le nord et propose aux coureurs un menu copieux : l’ascension du Galibier par le Lautaret, la Madeleine puis la montée finale vers la Plagne. Présentée comme très ouverte, cette édition 87 met en lumière une nouvelle génération de coureurs : Pedro Delgado qui porte le maillot jaune, le grand espoir du cyclisme irlandais Stephen Roche et Jean François Bernard que de nombreux journalistes présentent comme l’héritier de Bernard Hinault.

« Un Tour sans patron »

Ce Tour 87 se déroule sans son patron Bernard Hinault désormais à la retraite, sans Greg Lemond victime d’un grave accident de chasse au printemps mais peut compter sur la présence de Laurent Fignon à la recherche de son meilleur niveau. Arrivé sur la grande boucle dans une forme aléatoire et miné par le conflit qui l’oppose à Cyrille Guimard, Fignon doute de sa capacité à retrouver le sommet. Dès le départ du Tour à Berlin, sa 72ème place lors du prologue fait craindre un nouveau mois de juillet cauchemardesque pour le leader de l’équipe système U. Le contre la montre par équipes du surlendemain qui le voit se faire lâcher par ses propres équipiers (il finira à 1’20 de ses lieutenants) valide ce sentiment. Malgré ses échecs répétés dans l’exercice du contre la montre (72ème à Berlin, désastre du contre la montre par équipes, 64ème au sommet du Ventoux) pour un rouleur de son espèce, le français parvient néanmoins à suivre en montagne les prétendants à la victoire finale en jouant sur sa classe. Le parisien pointe ainsi au départ du Bourg d’Oisans à une très honorable 8ème place au classement général.

Après une ascension du Galibier menée sur un rythme peu élevé, l’étape est vraiment lancée dans la vallée de la Maurienne entre St Michel de Maurienne et la Chambre. Stephen Roche accompagné de six autres coureurs dont Theunisse, Parra et Bernaudeau trompe la vigilance du peloton. Jean François Bernard qui porte le maillot du combiné démarre lui aussi et se retrouve seul en chasse patate face à un vent défavorable. Le coureur de Toshiba décide alors de se relever avant la deuxième difficulté du jour.

Au pied de la Madeleine, l’irlandais a creusé un écart conséquent de 1’36 sur le groupe Delgado, il est à ce moment de la course maillot jaune virtuel. Mais au sommet, le leader de la Carrera ne possède plus que 48" d’avance sur Delgado qui a fait rouler sa garde. Le héros du Ventoux qui paye les efforts consentis dans la vallée de la Maurienne est décroché et pointe à 1’46 de Roche au sommet de la Madeleine.

« La leçon du professeur »

Un regroupement général a lieu au ravitaillement d’Aigueblanche dont Fignon profite pour attaquer en compagnie d’Anselmo Fuente. Le leader de l’équipe Système U qui a bien étudié le profil de l’étape décide de « sauter » le ravitaillement porté par la rage qui l’habite depuis le Ventoux. En effet, trois jours auparavant, le nouveau poulain de Bernard Tapie, Jean François Bernard écrase le contre la montre en côte du Ventoux et endosse le maillot jaune. Laurent Fignon qui rapporte avoir pourtant eu ce jour-là la motivation, la concentration et l’envie de gagner échoue à 10 minutes de Bernard. Fignon qui avouera dans son autobiographie s’être dit à l’arrivée qu’il n’y arrivera plus est enterré par de nombreux journalistes qui ne jurent désormais que par Jean François Bernard. La peur va laisser place à la colère dans la vallée de la Tarentaise.

Delgado, Roche et Bernard qui ont fourni beaucoup d’efforts depuis le Bourg d’Oisans laissent partir Fignon et Fuente respectivement 8 et 9ème au classement général et hors du coup pour la victoire finale à Paris.

Le duo franco-espagnol aborde les premiers lacets de la difficile montée vers la Plagne avec 2’41 d’avance. Robert Chapatte interroge alors Jacques Anquetil sur les chances du français de remporter l’étape en direct sur Antenne 2. L’ancien quintuple vainqueur du Tour apparait circonspect et prédit que la bataille des favoris condamnera les deux attaquants. Pedro Delgado voudra impérativement distancer un Stephen Roche probablement émoussé par son attaque dans la Madeleine en prévision du contre la montre de Dijon qui lui est défavorable.

Voulant visiblement l’étape, le maillot à pois Luis Herrera fait rouler ses équipiers. Cette accélération provoque une diminution de l’écart avec le duo de tête qui ne s’entend plus à l’approche de l’arrivée. Le rythme imposé par l’équipe du colombien condamne Bernard qui perd définitivement le Tour de France en concédant à l’arrivée 2’ sur Delgado.

A 15 kilomètres du sommet, le maillot jaune démarre et creuse aussitôt un écart conséquent. Robert Chapatte et Jacques Anquetil annoncent au micro d’Antenne 2 que l’espagnol va rentrer sur le duo de tête et remporter l’étape, la victoire finale à Paris est à cet instant en jeu. Mais le coureur de l’équipe Reynolds coince à 5 kilomètres de l’arrivée et ne parvient pas à rattraper Fignon et Fuente. Au prix d’un terrible effort après celui consenti dans la Madeleine, Stephen Roche coupe la ligne 5’’ après Delgado avant d’être mis sous oxygène puis transporté à l’hôpital.

Sa science de la course permet à Fignon de remporter l’étape en piégeant son adversaire à la manière d’un pistard. En résistant au retour des favoris, le parisien s’offre une nouvelle victoire d’étape sur le Tour trois ans après la dernière déjà à la Plagne. *

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Ce succès constitue une bouffée d’oxygène au sein de cette délicate période 85-88 marquée par les blessures (85), les doutes (86), l’inconstance (87) et les échecs (88). La question du déclin est posée par de nombreux observateurs malgré cette victoire d’étape et une 7ème place à Paris.

Son doublé dans Milan San Remo et son Giro victorieux en 89 apporteront un sérieux démenti avant le Tour le plus fou de l’histoire et ses fameuses 8 secondes au cours duquel Fignon est flamboyant. Blessé et contraint à l’abandon en 1990 avant de subir l’avènement d’Indurain, de Bugno et de Chiappucci en 1991, Fignon signe un dernier coup d’éclat dans les Vosges en 1992 en remportant son ultime victoire sur le Tour de France qu’il quittera l’année suivante diminué et démotivé sur les pentes d’Isola 2000.

« Lemond, l’autre grand talent de cette génération 1960 »

Laurent Fignon est avec Greg Lemond le grand talent de cette génération 1960 et leurs carrières présentent un certain parallélisme : un succès précoce (Tour 83 et 84 pour Fignon; Championnat du monde 84 et Tour 86 pour Lemond) puis une traversée du désert (85-88 pour Fignon; 87-88 pour Lemond suite à un grave accident de chasse), un retour au sommet (Giro 89, 2ème du Tour 89 pour Fignon; Tour 89 et 90 et championnat du monde 89 pour Lemond) avant le déclin dans les années 90 et une fin de carrière au même âge (33 ans).

Cyril Guimard affirme que Laurent Fignon aurait obtenu un palmarès identique à celui d’Anquetil et Hinault sans son opération de 1985. Après s’être fait voler le Giro 1984, la perte du Tour 1989 restera une blessure dont le parisien ne se remettra jamais.

Entre 1993 et 2003, Laurent Fignon commente le cyclisme sur Eurosport avec Patrick Chassé puis sur France Télévisons à partir de 2006. Le parisien offre jusqu’à son décès aux téléspectateurs ses commentaires pertinents et étayés sans aucune langue de bois.

Résonne encore le « Laurent (Jalabert), moi j’ai couru le Tour de France pour le gagner, je sais ce que c’est » « Landis, je vais lui acheter un maillot jaune au BHV lundi matin s’il ne veut pas assumer le poids de la course » « qu’est-ce que Chavanel va faire dans cette échappée ? » ou sa réponse à Henri Sannier « Laurent, arrêtez-moi si je dis une bêtise » immédiatement stoppé par un « bip » avant même que le journaliste ne commence sa phrase.

Aujourd’hui, nous devons tenter de survivre chaque mois de juillet en écoutant les commentaires sans intérêt de trois consultants très fiers d’eux (Marion Rousse, Thomas Voeckler et si ça ne suffisait pas Yoann Offredo)

*Laurent Fignon remporte 5 victoires d’étape sur le Tour 84 au Mans (clm), à la Ruchère en Chartreuse (clm), à Villefranche en Beaujolais (clm), à Crans Montana et la Plagne.

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